Article 1er : Prorogation des délais
1. Prorogation des délais de prescription et des autres délais pour introduire une demande en justice
Article 1, §1 : Par dérogation aux dispositions légales et réglementaires et sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes, les délais de prescription et les autres délais pour introduire une demande en justice auprès d’une juridiction civile qui expirent à partir de la date de la publication de cet arrêté jusqu’au 3 mai 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres, sont prolongés de plein droit d’une durée d’un mois après l’issue de cette période prolongée le cas échéant.
Quels délais sont concernés ?
1. les délais de prescription et les autres délais pour introduire une demande en justice en matière civile : il s’agit donc des délais de prescription qui, en application de l’art. 2244 C.C., sont interrompus par une citation en justice.
Exemple, mentionné dans le rapport au Roi1:
– le délai prévu par l’art. 577-9, §2 C.C. (« Tout copropriétaire peut demander au juge d’annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l’assemblée générale si elle lui cause un préjudice personnel. Cette action doit être intentée dans un délai de quatre mois, à compter de la date à laquelle l’assemblée générale a eu lieu »).
Exemples dans l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat2:
– l’action qui doit être introduite avant que le droit qui la soutienne ne soit prescrit : art. 15 de la loi relative aux contrats de travail (« Les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l’action, sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat »),
– l’action qui doit être introduite avant l’échéance d’un délai préfix : art. 12 de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse (l’action en justice contre le refus d’insertion d’une réponse dans l’audiovisuel doit être introduite, sous peine de déchéance, dans les quinze jours du refus exprimé par l’éditeur du service audiovisuel concerné).
2. délais qui expirent à partir du 9 avril (date de publication de l’arrêté) jusqu’au 3 mai inclus (ou jusqu’une date ultérieure à fixer par le Roi)
Prolongation jusqu’à quelle date ?
Les délais sont prolongés d’une durée d’un mois après l’issue de cette période (période du 9 avril jusqu’au 3 mai inclus, prolongée le cas échéant): les délais expirent dorénavant le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
Cette règle ne s’applique pas aux délais expirés avant le 9 avril3.
Cela n’empêche pas que la théorie de droit commun de la force majeure reste applicable pour les délais expirés avant le 9 avril.
La prorogation ne s’applique pas davantage aux délais qui expirent après le 3 mai (sauf en cas de prolongation de la période concernée par le Roi).
La précision « sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes » met en lumière que la mesure est prise dans les limites de la compétence fédérale. Il n’y a pas d’incidence sur les actions au sujet desquelles le pouvoir normatif est exercé par les entités fédérées ou les autorités internationales ou supranationales4.
2. Prorogation des délais de procédure ou pour exercer une voie de recours
Art. 1, §2, al. 1 : Dans les procédures introduites ou à introduire devant les cours et tribunaux, à l’exception des procédures pénales, à moins qu’elles ne concernent uniquement des intérêts civils, et des procédures disciplinaires, y compris les mesures d’ordre, les délais de procédure ou pour exercer une voie de recours au sens de l’article 21 du Code judiciaire qui expirent au cours de la période visée au paragraphe 1er, prolongée le cas échéant, et dont l’expiration entraîne ou pourrait entraîner la déchéance ou tout[e] autre sanction si l’acte n’est pas accompli en temps utile, sont prolongés de plein droit d’une durée d’un mois après l’issue de cette période prolongée le cas échéant.
Quels délais sont concernés ?
1. les délais de procédure ou pour exercer une voie de recours (art. 21 C. jud.) dont l’expiration entraîne ou pourrait entraîner la déchéance ou toute autre sanction si l’acte n’est pas accompli en temps utile.
La section de législation du Conseil d’Etat a posé la question de savoir ce qu’est visé par l’expression « délais de procédure ». Le délégué a renvoyé à l’usage ordinaire et à l’article 48 du Code judiciaire concernant les délais pour l’accomplissement des actes de procédure. A titre d’exemple, le dépôt des procès-verbaux de vérification des créances dans le cadre de la procédure de faillite a été cité (art. XX.161 CDE : « Les curateurs déposent dans le registre le premier procès-verbal de vérification, au plus tard à la date fixée dans le jugement déclaratif de faillite ») : cela concerne un acte de procédure, mais la prolongation prévue par l’arrêté de pouvoirs spéciaux n’est pas d’application dès lors que le délai n’est pas prescrit à peine de déchéance. Si le délai est expiré les curateurs ne sont pas libérés de leur obligation de dépôt5. La section de législation a également suggéré de faire mention d’ « une autre sanction » (au lieu de « un autre préjudice » ce qui faisait surgir des questions au sujet de la nature et de l’étendue du « préjudice » visé)6.
Le texte a été adapté consécutivement aux observations du Conseil d’Etat. Les termes « dont l’expiration entraîne ou pourrait entraîner … toute autre sanction si l’acte n’est pas accompli en temps utile » doivent, selon nous, être interprétés de manière large et ont donc, à notre sens, trait à tous les délais de procédure (qui commencent à courir à partir de l’introduction de l’instance) qui entraînent une sanction, même autre que la déchéance, ou qui pourraient entraîner pareille sanction.
Quelques exemples:
a) Le délai raisonnable dans lequel les parties doivent formuler leurs observations sur les constatations de l’expert à la fin de ses travaux, et qui doit être d’au moins 15 jours. Vu que l’expert ne tient aucun compte des observations qu’il reçoit tardivement et que le juge peut les écarter d’office des débats (art. 976, al. 2, C.jud.), il s’agit d’un délai de procédure auquel la prolongation est applicable.
b) Le notaire-liquidateur ne tient pas compte, dans le cadre de la liquidation-partage judiciaire, des revendications, observations et pièces communiquées après l’échéance des délais convenus en application de l’article 1217 ou fixés à l’article 1218, §§1 et 2 (sauf accord de toutes les parties ou découverte de nouveaux faits ou nouvelles pièces déterminants) (art. 1120, §1 ; voy. aussi 1224/1, §3 combiné à 1216, §2 et §5).
Dans les deux cas, il s’agit donc de délais établis pour l’accomplissement d’actes de procédure (ils se situent dans le cadre d’une procédure pendante devant le juge) et dont le non-respect entraîne (ou peut entraîner) une ‘sanction’ qui n’est pas la déchéance (art. 976, al. 2, et 1220, §1, C.jud.).
En revanche, les délais purement indicatifs ou les délais d’ordre et les délais d’attente ne sont pas concernés.
Exemple dans le rapport au Roi : le délai de citation visé à l’art. 707 C.jud.7
2. le délai expire au cours de la période du 9 avril jusqu’au 3 mai inclus (ou jusqu’une date ultérieure à fixer par le Roi)
Procédures concernées :
– les procédures devant les cours et tribunaux du pouvoir judiciaire,
– les procédures pénales qui concernent uniquement les intérêts civils,
Ne sont pas concernées :
– les autres procédures pénales, y compris les affaires de délinquance juvénile8,
– les procédures disciplinaires et les mesures d’ordre,
– les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d’état et les juridictions administratives fédérales9.
Prolongation jusqu’à quelle date ?
Les délais sont prolongés d’une durée d’un mois après l’issue de la période prolongée le cas échéant : les délais expirent dorénavant le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
Attention :
Les délais qui expirent le 1er, le samedi 2 ou le dimanche 3 mai et dont le jour de l’échéance est, par application de l’article 53 du C.jud., reporté au 4 mai, ne seront pas prolongés jusqu’au 3 juin.
Art. 1, §2, al. 2-3 : Si l’application de l’alinéa 1er entraîne la prolongation d’un délai, l’échéance des délais qui suivent éventuellement est adaptée de plein droit conformément à la durée de la prolongation visée au premier alinéa.Si l’application de l’alinéa 1er ou de l’alinéa 2 a pour conséquence que le dernier délai expire moins d’un mois avant l’examen de l’affaire à l’audience, celle-ci est remise de plein droit à la première audience disponible un mois après l’expiration du dernier délai et dont la date sera fixée conformément à l’article 749 du Code judiciaire.
La prolongation des délais de procédure peut affecter des délais successifs.
Si le délai pour le dépôt de conclusions est prolongé, les délais successifs pour conclure et éventuellement la date de l’audience seront reportés.
Exemples dans le rapport au Roi10 :
Ex. 1 : délais pour conclure :
Partie A : 30 avril 2020
Partie B : 31 juillet 2020
Nouveaux délais :
Partie A : 3 juin (càd + 34 jours)
Partie B : 3 septembre (31 juillet + 34 jours)
Ex. 2 : délais pour conclure :
Partie A : 10 avril 2020
Partie B : un mois après l’échéance du délai de A
Partie C : un mois après l’échéance du délai de B
Nouveaux délais :
Partie A : 3 juin
Partie B : 3 juillet
Parte C : 3 août
La date de l’audience sera remise si le dernier délai pour le dépôt de conclusions expire moins d’un mois avant cette date.
Dans l’ex. 2 :
si la date d’audience est fixée au 3 septembre (ou à une date ultérieure), elle ne sera pas reportée,
si la date d’audience est fixée avant le 3 septembre, elle sera reportée à la première audience disponible après le 3 septembre.
« De plein droit »
La prolongation des délais et la remise de la date d’audience se font de plein droit. Les tribunaux et les parties ne doivent rien faire : la loi adapte le calendrier. Le greffe ne devra éventuellement que communiquer une nouvelle date d’audience (art. 749 C.jud.)11.
Aux termes du rapport au Roi12, la prolongation et la remise se font de plein droit afin d’éviter de submerger les tribunaux de travail supplémentaire pour adapter les règlements des délais préalablement établis.
Toutefois, cela n’empêche pas les parties de déterminer à l’amiable un calendrier de conclusion qu’elles peuvent éventuellement faire acter (cf. art. 747, §1 et §2, al. 2 C.jud.). Voir aussi le rapport au Roi13, dans lequel on peut lire qu’une fois la période de crise derrière nous, les personnes concernées, notamment les avocats, peuvent se mettre d’accord sur les nouvelles échéances et dès lors convenir à l’amiable d’un calendrier contraignant ‘recalculé’. Dans cette perspective, les parties peuvent, d’un commun accord, déroger à ce nouveau règlement des délais, avec maintien, le cas échéant de la date de l’audience de plaidoirie déjà fixée.
Toutefois, la remise de la date d’audience relève du pouvoir du juge (voir art. 747, §1, deuxième alinéa et §2, troisième alinéa, et 748, §2, avant-dernier alinéa C. jud.). Dans le cadre d’un calendrier déterminé par le juge, les parties sont donc liées par la remise «de plein droit» de la date d’audience, étant entendu qu’elles peuvent demander au juge de (re)fixer la cause à une date antérieure voire de maintenir la date de l’audience de plaidoirie déjà fixée.
Art. 1, §2, al. 4 Les articles 52, alinéa 1er, 53, 54 en 55 du Code judiciaire sont d’application.
Art. 52, al. 1 : « Le délai se compte de minuit à minuit. Il est calculé depuis le lendemain du jour de l’acte ou de l’événement qui y donne cours et comprend tous les jours, même le samedi, le dimanche et les jours fériés légaux ».
« Le jour de l’échéance est compris dans le délai.Toutefois lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, le jour de l’échéance est reporté au plus prochain jour ouvrable ».
Art. 54 : « Le délai établi en mois ou en années se compte de quantième à veille de quantième ».
Art. 55 : « Lorsque la loi prévoit qu’à l’égard de la partie qui n’a ni domicile, ni résidence, ni domicile élu en Belgique, il y a lieu d’augmenter les délais qui lui sont impartis, cette augmentation est:
1° de quinze jours, lorsque la partie réside dans un pays limitrophe ou dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne;
2° de trente jours, lorsqu’elle réside dans un autre pays d’Europe;
3° de quatre-vingts jours, lorsqu’elle réside dans une autre partie du monde ».
La référence à l’art. 55 a été ajoutée après une remarque du Conseil d’Etat14 : « Pour éviter toute insécurité juridique, il s’impose de préciser si la prorogation en raison de la situation d’une partie à l’étranger, doit se cumuler avec celle prévue par le projet, sachant que les délais pour former un recours sont soumis à l’article 55 du Code judiciaire mais pas les délais de mise en état pour l’échange des conclusions ».
La référence à l’article 55 nous semble cependant créer une insécurité juridique. L’arrêté royal est en effet susceptible de deux interprétations.
Première interprétation : L’augmentation des délais prévue par l’art. 55 s’applique, d’une part, aux délais de procédure et délais pour exercer une voie de recours et, d’autre part, en amont et en aval.
→ application quant aux délais pour conclure
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 1er avril.
Le délai n’est pas prolongé.
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 14 avril.
Ce délai expirera dorénavant, en application de l’arrêté royal n° 2, le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi) + 15 jours (art. 55), soit le 18 juin.
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 27 avril.
Ce délai expirera dorénavant, en application de l’arrêté royal n° 2, le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi) + 15 jours (art. 55), soit le 18 juin.
→ application quant aux délais pour exercer un recours (p.ex. le délai d’appel)
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 1er avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 16 avril.
En application de l’arrêté royal n° 2, ce délai expirera le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi) + 15 jours (art. 55), soit le 18 juin.
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 14 avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 29 avril.
En application de l’arrêté royal n° 2, ce délai expirera le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi) + 15 jours (art. 55), soit le 18 juin.
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 27 avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 12 mai.
L’arrêté royal n° 2 ne prescrit pas la prolongation de ce délai.
Selon cette première interprétation, l’augmentation prévue par l’art. 55 C.jud. s’applique également aux délais (délais pour conclure) pour lesquels le Code judiciaire ne prévoit pas une telle augmentation. Pour les délais pour lesquels le Code judiciaire prévoit une augmentation (comme le délai d’appel), deux prolongations sont en outre possibles (sur la base du Code judiciaire et sur la base de l’arrêté royal n° 2).
Il est douteux que telle soit réellement l’intention du législateur.
Seconde interprétation : l’art. 55 C.jud. est appliqué dans le cas prévu par le Code judiciaire (p.ex. pour le délai d’appel – art. 1051) et uniquement en amont.
→ application quant aux délais pour conclure. Les art. 747 et 748 C.jud. ne font pas référence à l’art. 55 : l’article 55 ne s’applique pas.
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 1er avril.
Le délai n’est pas prolongé.
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 14 avril.
Ce délai expirera dorénavant, en application de l’arrêté royal n° 2, le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
Le délai pour conclure, pour une partie résidant en France, expire le 27 avril.
Ce délai expirera dorénavant, en application de l’arrêté royal n° 2, le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
→ application quant au délai d’appel. L’art. 1051 C.jud. fait référence à l’art. 55 : l’art. 55 s’applique.
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 1er avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 16 avril.
En application de l’arrêté royal n° 2, ce délai expirera le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 14 avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 29 avril.
En application de l’arrêté royal n° 2, ce délai expirera le 3 juin (ou un mois après la date ultérieure fixée par le Roi).
Le délai d’un mois pour interjeter appel expire le 27 avril.
L’appelant réside en France : + 15 jours (art. 55 en 1051) : le délai expire normalement le 12 mai.
L’arrêté royal n° 2 ne prescrit pas la prolongation de ce délai.
Conclusion quant à l’application de l’art. 55 C.jud. dans le cadre de l’arrêté royal n° 2
La première interprétation est peut-être plus conforme à l’interprétation littérale du texte de l’arrêté royal, mais la seconde interprétation correspond probablement plus à l’intention du législateur et à la portée des art. 747 et 748 C.jud. (qui ne font pas référence à l’art. 55) et des articles pertinents concernant les voies de recours (voir, entre autres, art. 1048, 1051 et 1073 C.jud., qui se réfèrent à l’art. 55). Dans cette seconde interprétation, il n’était cependant pas indispensable de préciser dans l’arrêté royal que l’art. 55 s’applique.
En tout état de cause, il semble plus sûr de suivre la seconde interprétation afin de limiter le risque de responsabilité.
Art. 1, §3 Si une partie prétend que la poursuite de la procédure est urgente et qu’il y ait péril dans le retard, le tribunal peut, sur demande motivée éventuellement présentée oralement à l’audience, exclure la prolongation des délais de procédure prévus au paragraphe 2. Si la demande est formulée par écrit, elle est communiquée en même temps aux autres parties, qui peuvent présenter des observations écrites dans un délai de huit jours. Après l’expiration de ce délai, le tribunal statue sans délai sur pièces.
Sauf dans le cas d’une demande faite oralement à l’audience, sur laquelle le juge décide sur le champ, les parties ou avocats sont informés de la décision par simple lettre. Aucun recours n’est possible contre cette décision.
Exclusion de la prolongation des délais de procédure
La prolongation (‘de plein droit’, art. 1, §2, al. 1) des délais de procédure peut être exclue par le tribunal.
Conditions:
– une demande motivée d’une partie qui prétend que la poursuite de la procédure est urgente et qu’il y ait péril dans le retard,
– la demande peut être présentée oralement à l’audience, éventuellement à une audience par voie de vidéoconférence15 (la nature de l’audience n’est cependant pas claire, car des délais pour conclure et la date d’audience ont par hypothèse déjà été fixés et au moins un délai pour conclure est expiré entre le 9 avril et le 3 mai, sans de quoi la mesure de prolongation du délai de procédure ne s’applique pas) ; le tribunal décide sur le champ,
– si la demande est formulée par écrit, elle est communiquée en même temps aux autres parties, qui peuvent présenter des observations écrites dans un délai de huit jours ; les parties ou avocats sont informés de la décision par simple lettre.
La décision du tribunal quant à la demande d’exclure la prolongation des délais n’est susceptible d’aucun recours.
Le rapport au Roi16 prévoit en outre que rien n’empêche qu’une fois la crise derrière nous, les personnes concernées, notamment les avocats, peuvent se mettre d’accord sur les nouvelles échéances et dès lors convenir à l’amiable d’un calendrier contraignant ‘recalculé’.
Art. 2. Procédure écrite
« [§1] Toutes les causes devant les cours et tribunaux, à l’exception des causes pénales, à moins qu’elles ne concernent uniquement des intérêts civils, qui sont fixées pour être entendues à une audience qui a lieu à partir du deuxième jour après la publication du présent arrêté jusqu’au 3 juin 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres, et dans lesquelles toutes les parties ont remis des conclusions, sont de plein droit prises en délibéré sur la base des conclusions et pièces communiquées, sans plaidoiries.
§ 2. Les parties peuvent, conjointement, à tout moment de la procédure, décider de recourir à la procédure écrite visée à l’article 755 du Code judiciaire.
La partie qui ne peut accepter l’application du paragraphe 1er, en informe le juge par écrit et de façon motivée au plus tard une semaine avant l’audience fixée, ou, pour les affaires qui sont fixées à des audiences de plaidoiries qui ont lieu dans les huit jours qui suivent la publication du présent arrêté, au plus tard la veille de l’audience.
Cette information se fait par le biais du système informatique de la Justice visé à l’article 32ter du Code judiciaire ou par simple lettre, envoyé par la poste ou déposé au greffe.
Si toutes les parties s’opposent à l’application du paragraphe 1er, l’affaire est remise à une date indéterminée ou à une date déterminée.
Si aucune des parties ou seulement une ou quelques-unes d’entre elles s’opposent, le juge statue sur pièces. Il peut décider de tenir l’audience, éventuellement par voie de vidéoconférence, remettre l’affaire à une date indéterminée ou à une date déterminée ou prendre l’affaire en délibéré sans plaidoiries, nonobstant l’application, le cas échéant, de l’article 1004/1 du Code judiciaire.
§ 3. Si l’affaire est prise en délibéré sans plaidoiries, les parties qui n’ont pas encore déposé leurs pièces au greffe les déposent dans un délai d’une semaine à compter de la date initialement fixée pour plaider ou, le cas échéant, dans un délai d’une semaine à compter de la notification de la décision du juge visée au § 2, alinéa 5, sous peine d’écartement d’office.
§ 4. Au plus tard un mois après la prise en délibéré de l’affaire ou, le cas échéant, au plus tard un mois à partir du dépôt des dossiers visé au paragraphe 3, le juge peut demander que les parties donnent des explications orales, éventuellement par voie de vidéoconférence, sur les points qu’il indique. Le cas échéant il fixe une date dont le greffier instruit les parties par simple lettre adressée à leurs avocats. Si une partie n’a pas d’avocat, le greffier l’avertit directement par pli judiciaire.
§ 5. Si l’affaire est prise en délibéré sans plaidoiries, la clôture des débats a lieu de plein droit un mois après la prise en délibéré ou, le cas échéant, après le dépôt des dossiers visé au paragraphe 3. Si le juge demande des explications orales, la clôture est prononcée par lui le jour où ces explications lui sont fournies.
§ 6. Les décisions du juge visées au présent article ne sont pas susceptibles de recours.
§ 7. Les délais visés au présent article ne seront pas prolongés en application de l’article 1 du présent arrêté ».
– Art. 2, §1 : Affaire examinée de plein droit sans plaidoiries
L’affaire sera examinée sans plaidoiries si l’audience se situe dans la période allant du deuxième jour après la publication de l’arrêté (11 avril) au 3 juin 2020 (ou jusqu’à la date de fin ultérieure à déterminer par le Roi).
Compte tenu du week-end de Pâques, le règlement s’applique donc en pratique du 14 avril au 3 juin 2020 (ou jusqu’à la date de fin ultérieure à déterminer par le Roi).
Cela se fait de plein droit : les parties n’ont pas à le demander, et le juge ne doit pas l’ordonner.
Champ d’application :
-1-
– toutes les affaires devant les cours et tribunaux,
– y compris les affaires pénales qui ne concernent que des intérêts civils,
– pas les autres affaires pénales
-2- affaires dans lesquelles toutes les parties ont déposé des conclusions.
L’application de la réglementation aux affaires qui sont traitées à l’audience d’introduction (art. 735 C.jud.) est donc “quasi exclue”17.
Il suffit que les conclusions soient déposées. Si le juge écarte des conclusions des débats, il n’est pas tenu de revenir sur la prise en délibéré sans plaidoiries18.
Un jugement par défaut est exclu puisque l’article 804 du Code judiciaire dispose que la procédure est contradictoire à l’égard de la partie qui a déposé des conclusions19.
– Art. 2, §2, alinéa 1 : Accord des parties de recourir à la procédure écrite
La portée de cette disposition n’est pas très claire.
L’article 2, §2, alinéa 1, concerne apparemment tous les cas, y compris ceux dont l’audience ne tombe pas dans la période du 11 avril au 3 juin 2020 (ou date de fin ultérieure à déterminer par le Roi).
La section de législation du Conseil d’Etat a constaté qu’un régime devait être élaboré pour permettre aux parties n’ayant au départ pas envisagé de recourir à cette procédure écrite lors de l’établissement de leurs conclusions et de la mise en état de leur affaire, d’y avoir quand même recours, en organisant la transition d’un régime vers l’autre20.
L’introduction de l’article 2, §2, alinéa 1, était-elle nécessaire pour atteindre cet objectif ?
– Art. 2, §2, al. 2-5 : Opposition à l’application de plein droit de la procédure écrite (plus précisément : la prise en délibéré de plein droit sans plaidoiries)
Comment formuler cette opposition ?
La partie qui n’est pas d’accord avec la prise en délibéré de plein droit sans plaidoiries des affaires établies dans la période du 11 (14) avril au 3 juin 2020 (ou la date ultérieure de fin à déterminer par le Roi) :
– le notifie par écrit et en motivant,
– avec application du système informatique visé à l’article 32ter C.Jud. (c’est-à-dire E-deposit)21, ou par lettre ordinaire envoyée par la poste ou déposée au greffe,
– dans le délai suivant :
– si l’audience a lieu dans les huit jours après le 9 avril (c’est-à-dire dans la période du 10 avril au 17 avril) : au plus tard la veille de l’audience,
– si l’audience a lieu dans la période du 18 avril au 3 juin (ou la date de fin ultérieure à déterminer par le Roi) : au plus tard une semaine avant l’audience.
Conséquence de l’opposition ?
-1- Toutes les parties s’opposent:
l’affaire est remise à une date déterminée ou indéterminée
-2- Une ou plusieurs parties, mais pas toutes, s’y opposent :
Le juge décide : il peut décider de tenir l’audience (éventuellement par vidéoconférence), remettre l’affaire à une date déterminée ou indéterminée, ou prendre l’affaire en délibéré sans plaidoiries.
La décision du juge n’est pas susceptible de recours.
– Art. 2, §2, alinéa 5 : Pas d’opposition contre l’application de plein droit de la procédure écrite
En règle, la prise en délibéré sans plaidoiries a lieu “de plein droit” (art. 2, §1).
Il convient toutefois de noter que même si “aucune partie” ne s’oppose, il est quand même précisé que le juge “décide” et peut décider de tenir l’audience, de remettre l’affaire ou de la prendre en délibéré sans plaidoiries (art. 2, §2, al. 5).
Selon le rapport au Roi22, le juge obtient la liberté, mais également la responsabilité de décider à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, parmi lesquelles figure le souci d’éviter le plus que possible un arriéré, sauf si des intérêts prépondérants rendent un retard inévitable. Une attention particulière sera apportée à la circonstance qu’une partie n’est pas représentée par un avocat.
Certaines instances rencontrent des difficultés particulières pour prendre en délibéré des affaires sans plaidoiries, mais le législateur n’a pas voulu les exclure in abstracto. Le juge décidera au cas par cas. Toutefois, il ne peut être porté atteinte à l’audition des mineurs (art. 1004/1 C.jud.).
Apparemment, le juge peut, selon les circonstances, toujours décider que l’affaire ne sera pas prise en délibéré de plein droit sans plaidoiries.
L’arrêté royal semble être contradictoire sur ce point : dans l’hypothèse où aucune partie ne s’ oppose, il ressort de l’article 2, §2, dernier alinéa, de l’arrêté royal que le juge « décide » sur pièces de tenir l’audience, éventuellement par vidéoconférence, de remettre l’affaire à une date indéterminée ou déterminée, ou de prendre l’affaire en délibéré sans plaidoiries, alors que le §1 de cet article prévoit que l’affaire est prise en délibéré “de plein droit” sans plaidoiries, ce qui supposerait qu’aucune décision explicite ne soit prise par le juge en ce qui concerne la prise ou non en délibéré de l’affaire sans plaidoiries.
De nouvelles règles plus claires sont déjà annoncées dans le rapport au Roi23: dans un deuxième temps, les problèmes liés aux procédures spécifiques de certaines instances seront abordés, soit par une modification de l’arrêté, soit par des arrêtés ultérieurs.
– Art. 2, §§ 3-5 : déroulement de la procédure écrite
-1- Le dépôt des pièces au greffe est effectué (sauf si cela a déjà été fait) :
– dans un délai d’une semaine à compter de l’audience initialement fixée, ou
– si le juge (après opposition) décide de traiter l’affaire en procédure écrite : dans un délai d’une semaine après notification de la décision.
Sanction en cas de dépôt tardif : écartement d’office. La section de législation du Conseil d’État estime que cette sanction est excessive24.
Les pièces peuvent être déposées via le système informatique visé à l’art. 32ter du Code judiciaire, mais aussi par courrier ou physiquement au greffe.
-2- Explications orales :
Le juge peut demander aux parties de fournir des explications orales sur les points qu’il indique.
Le juge fait cette demande :
– au plus tard un mois après avoir pris l’affaire en délibéré, ou
– au plus tard un mois après le dépôt des dossiers au greffe.
Le greffier notifie la date pour les explications orales par lettre ordinaire à l’avocat ou, si la partie n’a pas d’avocat, à la partie elle-même par pli judiciaire.
Néanmoins, en application des règles de droit commun (art. 774-775 C.jud.), le juge peut rouvrir les débats d’office et laisser prendre des conclusions dans ce cadre .
-3 – clôture des débats:
de plein droit :
– un mois après la prise en délibéré, ou
– un mois après le dépôt des dossiers au greffe, ou
– le jour où les explications orales ont été données.
Bruno Maes
Catherine Idomon
Marc Baetens-Spetschinsky
www.lmbd.be
17 avril 2020
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25727
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25735, notes 4 et 5
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25728
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25728
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25734.
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25736.
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25728
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25728
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25736
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25729
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Rapport au Roi, M.B., 9 avril 2020, éd. 2, p. 25730.
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Rapport au Roi, M.B., 9 avril 2020, éd. 2, p. 25730.
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Rapport au Roi, M.B., 9 avril 2020, éd. 2, p. 25730.
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Avis CE, M.B. 9 avril 2020, p.25731.
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DPA-deposit n’est pas, selon le Conseil d’Etat, le système informatique visé par le législateur, raison pour laquelle l’arrêt du 12 décembre 2019 (n° 246.387) a été rendu (avec comme conséquence que les avocats peuvent à nouveau directement utiliser E-deposit sans devoir utiliser DPA-deposit).
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M.B., 9 avril 2020, éd.2, p. 25730-25731.
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25731.
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M.B. 9 avril 2020, éd. 2, p. 25739.